Menaces sur la Perdrix bartavelle

Photographie Patrica Huguenin                                Renard


Tendance au déclin de l’espèce

En 1936, Mayaud connaissait la Perdrix bartavelle nicheuse dans les « Alpes au-dessus de 1 500 m, à l’est du sillon subalpin (Digne, Sisteron, Châtillon, Grenoble, Annecy), au nord d'une ligne de Sospel à Castellane. Pas rare ». La distribution générale de l'espèce n'a pas changé, mais une régression enregistrée entre 1964 et 1989 dans le nord-ouest des Alpes (chaînons préalpins du Chablais, des Bauges, du Haut-Giffre et du Vercors) se poursuit au moins localement.

La Perdrix bartavelle est aujourd’hui une espèce en déclin en Europe. La régression de cet oiseau est d’abord liée à l'abandon de pratiques agro-pastorales en moyenne montagne, qui entraînent une fermeture des milieux sur les sites d'hivernage de l'espèce. Les transformations du milieu montagnard engendrées par la déprise agricole, ainsi que le développement du tourisme d’altitude sont considérés aujourd’hui comme les causes principales de raréfaction de l’espèce depuis le milieu de notre siècle, mais plusieurs autres facteurs interviennent également dans le déclin de cette espèce.


Reboisement des alpages

Comme pour le Tétras-lyre, le retour de la forêt dans les pâturages créés par l'homme est synonyme de restriction d'habitat pour la Bartavelle. La déprise agricole en montagne a eu pour conséquence la fermeture des milieux, par l’enfrichement et le reboisement spontanés de ces sites abandonnés, a entraîné une perte d’habitats, particulièrement dans les zones d’hivernage en moyenne altitude (notamment dans les Bauges). Les pâturages de moyenne altitude de cette montagne, sous-utilisés depuis les années 1970, ont été envahis progressivement par les pins sylvestres et les mélèzes et les plantations de résineux sur les adrets s’y ajoutent. Cette augmentation de la surface boisée des étages montagnard et subalpin, a entraîné et continue d’entraîner une altération et une fragmentation des habitats de la bartavelle. Cette évolution vers une fermeture du milieu est défavorable à la perdrix bartavelle et constitue l’une des menaces les plus importantes qui pèse sur l’espèce dans les Alpes.


Exploitation pastorale

Dans le passé, les dérangements liés à l’exploitation traditionnelle des adrets ne provoquaient pas autant de dérangements des oiseaux, voire l’abandon de nids et de territoires, que ne le fait de nos jours le surpâturage (Vallée du Haut Guil ; Parc National du Mercantour). Localement, le dérangement de poules en cours de couvaison (mi-juin à mi-juillet) par le passage d’un troupeau d’ovins peut occasionner l’abandon du nid, le piétinement des œufs et faciliter la prédation sur le nid. Par ailleurs, cette perdrix souffre de mortalité par collision dans les filets à mouton et dans les câbles à foin ; les pistes pastorales, de plus en plus nombreuses dans son domaine, augmentent le nombre de promeneurs, de chiens et de chasseurs - ceux-ci devenant plus efficaces avec l'augmentation actuelle du nombre de chiens d'arrêt. Sur le fond, il conviendrait plutôt de veiller à retarder et surtout à diminuer le pâturage ovin qui sévit sur une grande partie du biotope "légitime" de la Bartavelle.


Infrastructures et fréquentation touristique

Les dérangements liés au développement des activités de loisirs sur certains sites de reproduction ou d’hivernage sont susceptibles d’entraîner une diminution des effectifs, voire leur disparition. La mortalité des oiseaux par collision dans les câbles de remontées mécaniques peut être importante sur certains tronçons. En août 2003, l’Observatoire des Galliformes de Montagne a inventorié 29 câbles, meurtriers pour la bartavelle, localisés sur 17 téléskis, 8 télésièges, 1 télécabine, 1 catex et 2 lignes électriques et répartis sur 11 stations des Alpes françaises (6 en Savoie, 1 en Isère, 3 dans les Hautes-Alpes 1 dans les Alpes-Maritimes). L’ouverture de voies carrossables en montagne, avec son afflux de touristes parfois accompagnés de chiens, et la pratique en milieux ouverts d’activités récréatives nouvelles : parapente, delta-plane, moto verte, véhicules tout terrain, ski hors-piste, responsable de dérangements pour les bartavelles peuvent être responsables de l’abandon de ces territoires surexploités par le tourisme.


La chasse

Même si le Schéma Départemental de Gestion Cynégétique a pris en compte cette problématique, en fixant une limite altitudinale maximum (1 400 mètres) pour les lâchers de petit gibier à plumes de plaine, et qu’il interdit les lâchers de perdrix rouge sur les communes où la bartavelle est présente, cela ne supprime pas les risques de rencontre entre les deux espèces. Ces croisements pouvant se produire sur des territoires assez éloignés du lieu de lâcher, les perdrix rouges libérées étant capables de se disperser à plusieurs km de leur lieu d’introduction.

Les prélèvements directs de la chasse, sans être les seuls responsables de la diminution des populations, participent à la raréfaction de l’espèce. Mais les chasseurs en réintroduisant des Perdrix rouges fragilisent les populations de bartavelles, car ces deux espèces de perdrix s’hybrident pour donner une perdrix dite « rochassière ». Ces perdrix relâchées comme gibier de tir, en échappant au fusil des chasseurs, peuvent se croiser avec des bartavelles et donnent naissance à des hybrides féconds. Or ces hybrides, qui sont moins bien adaptés aux conditions naturelles de montagne, constituent une menace pour la conservation de la variabilité génétique des populations locales de bartavelle. Ces lâchers sont donc à l’origine de problèmes de pollution génétique et d’apport de pathologie, car l’état sanitaire du gibier d’élevage est parfois médiocre. Les bartavelles sauvages risquant d’être atteintes par des parasitoses telles que l’histomonose ou la capillariose, fréquentes en élevage, ou par diverses maladies bactériennes et virales. Par ailleurs, les lâchers de petit gibier de plaine en montagne peuvent nuire au petit gibier de montagne lorsqu’il occupe le territoire des bartavelles. Cela peut être source de dérangement pour elles.

Même si le Schéma Départemental de Gestion Cynégétique a pris en compte cette problématique, en fixant une limite altitudinale maximum (1 400 mètres) pour les lâchers de petit gibier à plumes de plaine, et qu’il interdit les lâchers de perdrix rouge sur les communes où la bartavelle est présente, cela ne supprime pas les risques de rencontre entre les deux espèces. Ces croisements pouvant se produire sur des territoires assez éloignés du lieu de lâcher, les perdrix rouges libérées étant capables de se disperser à plusieurs km de leur lieu d’introduction.


Les pathologies

L’analyse parasitologique de tractus digestifs de bartavelles tuées à la chasse a révélé la présence régulière de spirures dans le gésier, de cestodes, capillaires, ascarides et coccidies dans l’intestin et d’hétérakidés dans les caecums. Les spirures du gésier, et dans une moindre mesure, les cestodes seraient susceptibles d’avoir un effet sur la survie des oiseaux, mais cet impact n’a pas pu être véritablement mesuré à ce jour.


La prédation

La prédation sur les oiseaux adultes est le fait des grands rapaces diurnes et nocturnes (Bernard-Laurent, 1989), notamment l’Aigle royal. D’autres rapaces, comme le Faucon pèlerin, le Grand-duc et l’Autour des palombes, capturent aussi régulièrement des bartavelles. Les carnivores sont pour les adultes des prédateurs secondaires. Les oiseaux sont plus vulnérables à la prédation par les rapaces au cours de leur premier hiver que lors des hivers suivants. Les femelles subissent une prédation élevée pendant la ponte, mais réduite pendant l’incubation et l’élevage des jeunes. L’éventuel impact de la prédation sur les effectifs de reproducteurs au printemps demeure difficile à évaluer. Les poussins sont aussi soumis à la prédation (par exemple par l’épervier), mais leurs ennemis sont mal connus et son influence réelle de la prédation comme facteur limitant des effectifs n’est pas connue (Bernard-Laurent et De Franceschi, 1994).


Photographie Michel Barraz


Les conditions météorologiques

La bartavelle est extrêmement sensible aux accidents climatiques. Une pluviosité anormalement élevée pendant la période de couvaison ou d’élevage des jeunes peut être aussi responsable de lourdes pertes en affectant la production de jeunes. Tout comme un enneigement prolongé des sites d’hivernage peut favoriser indirectement la prédation. Les grosses chutes de neige sur plusieurs jours privent aussi la Bartavelle de l’accès aux plantes herbacées. De décembre à mai, la bartavelle consommant uniquement des feuilles de plantes herbacées, notamment des graminées (fétuques, dactyle, pâturins), cette nourriture peut devenir inaccessible lorsque la neige persiste sur les lieux habituels d’hivernage. Lors d’hivers très enneigés, il arrive que les oiseaux subissent des périodes de disette parfois catastrophiques pour leur survie. La bartavelle ne peut en effet se nourrir des rameaux des arbres et arbustes, faute d’avoir des caeca (ramifications du tube digestif où la cellulose est transformée par des bactéries) suffisamment développés pour assimiler ces aliments riches en fibres.


Mesures de conservation

Les différents inventaires des zones intéressantes pour les oiseaux (ZNIEFF, ZICO) et les types de protection qui peuvent en découler au niveau national ou européen (Parc National, Réserve Naturelle, Zone de Protection Spéciale, NATURA 2000) sont bénéfiques à l’espèce. Des aides financières dans le cadre de programmes nationaux et européens (mesures agro-environnementales, LIFE nature) favorables à la Perdrix bartavelle et à ses habitats, ont également vu le jour.

Les principales actions concrètes de gestion du milieu qu’il importe de mettre en œuvre sont :

• Remise en cultures céréalières des zones d’hivernage et l’encouragement des activités pastorales avec attribution de subventions aux agriculteurs et aux éleveurs qui les pratiqueront. Le maintien des activités agro-pastorales en montagne est le meilleur moyen de conserver des espaces favorables à la bartavelle. Lorsque la fauche de l’herbe ou la pression de pâturage sont insuffisantes pour contrôler l’envahissement par certains végétaux ligneux, il peut être nécessaire de recourir, suivant les caractéristiques topographiques et climatiques du milieu, au débroussaillage manuel ou mécanique et/ou au brûlage dirigé. Le brûlage dirigé peut constituer un outil de maintien, voire même de restauration de biotopes favorables à la perdrix bartavelle. Les cultures céréalières sont aussi bénéfiques aux perdrix, car elles leur apportent un supplément de nourriture. Ces préconisations méritent d’être intégrées dans les mesures contractuelles de type Contrat d’Agriculture Durable.

• Délimitation de grandes zones de protection à la limite supérieure des forêts et empêcher la recolonisation par la forêt. Il est recommandé d’éviter la plantation serrée de résineux à couvert dense sur les versants d’adret de l’étage montagnard pour ne pas réduire la superficie d’habitat favorable à l’hivernage.

• Classement en espèce protégée intégralement de la Perdrix bartavelle avec pour conséquence une interdiction de la chasser.

• Limiter le tourisme de masse et les activités de loisir dans les zones sensibles pendant les périodes de reproduction et l’hivernage ; . Sur les massifs soumis à une forte fréquentation touristique, il est recommandé de réglementer les diverses activités récréatives (parapente, delta-plane, moto verte, véhicules tout terrain, via ferrata, raquettes à neige, ski hors piste…), susceptibles d’entraîner le dérangement des oiseaux pendant les périodes sensibles de reproduction et d’hivernage.

• Sur les domaines skiables, il convient d’encourager l’engazonnement des pistes qui permet d’accroître la superficie d’habitat potentiel. Les tronçons de câbles fins (remontées mécaniques, câbles de transport d’explosifs, lignes électriques…) particulièrement meurtriers peuvent être équipés de dispositifs de visualisation (flotteurs ou spirales), notamment sur les crêtes, pour réduire les collisions mortelles des oiseaux dans les câbles. La présence de la bartavelle doit être prise en compte lors des travaux d’aménagement des alpages (ouverture de piste, extension de stations de ski…).

• La présence de la bartavelle doit être prise en compte dans l’élaboration des circuits de pâturage.


Conséquences éventuelles de la gestion de l’habitat de la bartavelle sur d’autres espèces

Les mesures de gestion de l’habitat préconisées ci-dessus peuvent aussi être bénéfiques à tout un cortège d’espèces animales vivant dans les milieux ouverts d’altitude et considérées comme « d’intérêt patrimonial » dans le cadre de l’inventaire national des Z.N.I.E.F.F. On peut citer par exemple, comme autres galliformes, le Tétras-lyre et la Caille des blés, pour les rapaces, l’Aigle royal et le Faucon pèlerin, pour les passereaux, le Merle de roche, le Crave à bec rouge, les Bruants fous, et ortolan et pour les mammifères, le Lièvre variable et les ongulés de montagne qui recherchent une nourriture herbacée riche en protéines à la belle saison.


Sources documentaires

• Les oiseaux de Suisse - L. Maumary, L. Valloton et P. Knauss - Édition Nos Oiseaux
• Oiseaux menacés et à surveiller en France - G. Rocamora et D. Yeatman-Berthelot - Édition SEOF/LPO
• Oiseaux nicheurs de Rhône-Alpes - Édition CORA
• Inventaire des Oiseaux de France - P.J. Dubois, P. Le Maréchal, G. Olioso et P. Yésou - Édition Nathan
• Document ONCFS : La Perdrix bartavelle - A.Bernard-Laurent
• Proposition d'un plan de gestion de la Perdrix bartavelle - Fédération des chasseurs de Haute-Savoie
• Guides des Oiseaux de France et d’Europe - R. Peterson - Édition delachaux et niestlé
• Guide ornitho - L. Swensson - Édition delachaux et niestlé
• Oiseaux de France et d’Europe - Rob Hume - Édition Larousse
• Les oiseaux d’Europe - L. Jonssson - Édition Nathan
• Les oiseaux d’Europe - C. Perrins et M. Cuisin - Édition delachaux et niestlé

Liens externes

Status UICN : la Perdrix bartavelle
ONCFS : Perdrix bartavelle
OGM : ONCFS
Directive Oiseaux : Wikipedia
Directive Oiseaux : Droit et protection de la nature en France


Fiche détaillée
Chasse en Haute-Savoie
Évolution en Suisse
Album de l'oiseau libre
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